La Brasserie Alpine

1 - LA FABRICATION DE LA BIERE

La bière est originaire d'Egypte et d'Asie Mineure puis elle s'est répandue dans les pays d'Europe sans vigne (Europe du nord).

La bière est à base d'amidon de céréale (riz, maïs, blé). C'est l'orge qui est la plus utilisée car c'est la céréale dont la transformation du grain en malt est la plus facile à contrôler (germination contrôlée). La germination est stoppée quand le germe est sur le point de sortir du grain (l'humidité est ramenée de 40 à 4% par séchage à l'air chaud).

Brassage:

L'amidon se transforme en sucre et par fermentation en alcool. Au moment du brassage, on peut ajouter une matière amylacée (riz, blé..) La bière est "du pain liquide".

Les bulles sont du gaz carbonique.

Le houblon est à l'origine une plante sauvage ressemblant à une liane.

Le mout est le jus sucré ou l'extrait.

Le processus du brassage est la décomposition de l'amidon en maltose, sucre simple qui peut fermenter.

Etape 1 -Le moulin:

Le malt est transformé en une farine grossière, la mouture. Cette opération est faite la veille puis le lendemain, ajout d'eau tiède à 35 % dans la cuve matière.

Etape 2 - La décoction:

Une deuxième chaudière reçoit le maïs dans une partie de la décoction de malt. On porte à ébullition puis on renvoie dans la cuve matière qui monte à 65° qui est la bonne température pour la saccharification de l'amidon, la transformation en sucre simple (maltose).

Cette préparation est ensuite filtrée dans la cuve filtre, et réunie dans la chaudière à houblonner, ébullition à 100° et on ajoute le houblon. On obtient alors du mout houblonné.

Puis, envoi dans la partie froide pour fermentation à basse température (5 à 10°), on met alors la souche de levure (qui donne la marque de fabrique de la bière) qui détermine le goût et le parfum de la bière). La levure transforme le sucre (maltose) en alcool avec CO2. La bière est naturellement gazeuse.

La fermentation haute (20°)et la fermentation basse (10°).

La fermentation principale durait à peu près 8 jours.

La fermentation secondaire (stockage) continuait un peu sous pression.

La garde, la filtration de la bière puis la mise en bouteille avec pasteurisation à 65° pour tuer les quelques levures qui ont pu passer à travers les filtres.

La brasserie avait deux lignes de remplissage de ce type semi-automatique.

Un employé mettait les bouteilles sur la ligne, elles étaient lavés à 50° avec de l'eau soudée, les bouteilles étaient ensuite refroidies par rinçage à l'eau froide.

Un autre employé mettait ensuite la bouteille sur le bec. La soutireuse amenait la bière de la cave sous pression et la bouteille se remplissait. Un autre employé bouchait les bouteilles.

2 - LA BRASSERIE ALPINE

Jean-Baptiste AUDIBERT, l'arrière grand-père de Jean AUDIBERT était installé à VOLX, était paysan et cultivait l'olivier. Il est devenu aubergiste et s'est installé dans une auberge-relais à LA JAVIE et ensuite à SEYNE-LES-ALPES.

Le grand-père de Jean AUDIBERT, Fernand AUDIBERT était conducteur de diligences puis limonadier à SEYNE. Il recevait de la bière en fût et la mettait en canette, de même pour la limonade. Le père de Jean AUDIBERT a son retour de la guerre de 1914 a poursuivi l'activité. L'activité était alors intense avec les travaux de construction du chemin de fer. Monsieur AUDIBERT fournissait les cantines et un dépôt avait été créé au LAUZET.

En Ubaye, la naissance des brasseries dans la deuxième moitié du 19ème siècle semble effectivement liée aux gros chantiers de la fin du 19ème siècle et des 3 premières décennies du 20ème . La construction des forts, des casernes, de la ligne de chemin de fer, des villas des rentiers du Mexique, fait venir des centaines d'ouvriers.

Dans les années 1920, monsieur AUDIBERT rachète la brasserie MARTIN à BARCELONNETTE (Monsieur Auguste MARTIN était diplômé de l'Ecole de Brasserie de NANCY - promotion 1899-1900). Monsieur MARTIN avait lui-même pris la suite de la Brasserie MATHERON qui était la plus ancienne des brasseries connues à BARCELONNETTE (Elle était inscrite en 1873 aux archives de la Préfecture).

La Brasserie Alpine avait des Clients-distributeurs à GAP (Union des limonadiers), DIGNE, BRIANCON et EMBRUN.

La Brasserie disposait d'une flotte de camions (3 gros camions dont un des premiers RENAULT à cabine avancée et une camionnette Delahaye).

Il y avait un dépôt avant guerre à TOULON, et des gros clients à MARSEILLE. La Brasserie Alpine exportait en INDOCHINE et en AFRIQUE. Ces contrats étaient traités par des bureaux d'achat à MARSEILLE qui trouvaient des clients et assuraient la production des brasseries régionales en hiver.

Le seul lieu de production était à BARCELONNETTE.

La production avait une forte saisonnalité, l'hiver était consacré à l'exportation.

La capacité maximum théorique était de 15.000 hecto/an. La production de la brasserie vers la fin était de l'ordre de 5.000 hecto.

La Brasserie Alpine recevait du malt comme matière première. Les plus proches malteries étaient en Haute-Loire. Au PUY, la malterie FRANCO-SUISSE auprès de qui la Brasserie Alpine s'approvisionnait. Le malt était acheminé par train (1 à 3 wagons complets) jusqu'à la gare de PRUNIERES et était ensuite stocké dans les greniers de la brasserie.

La Brasserie Alpine recevait le malt et on y incorporait une autre céréale, du maïs dégraissé (graisse = ennemi de la bière) à hauteur de 30 %.

Il y avait en France, une trentaine de brasserie dans le Sud-Est : 4 à LYON (Brasserie RINCK, Brasserie VELTEN, Brasserie LA ROYALE, Brasserie WINCKLER), 3 à GRENOBLE, 1 à NICE, 1 à MONACO (Brasserie de Monaco), 4 à MARSEILLE (Brasserie Malterie Le PHENIX à La Valentine, Brasserie du Zenith, Brasserie Velten, Brasserie MARX rue Borde)

Les produits de la Brasserie Alpine.

Bières : LA SUPER ALPINE : 1ère marque déposée.

LA SELECTA BOC (fabriquée à partir d'orge sélectionné).

LA SELECTA PILS, bière de luxe créée par Monsieur Jean AUDIBERT à son retour de l'Ecole de Brasserie de NANCY (promotion 1948-1949 Section Supérieure).

Limonade : La ROCHE CLOSE du nom d'une montagne au dessus de SEYNE en hommage au grand père de Jean AUDIBERT. La limonade est fabriquée à partir d'essence de citron. Les fournisseurs étaient à GRASSE et à CANNES.

Monsieur Jean-François Delénat complète la liste des produits de la Brasserie Alpine en y ajoutant :

"Alpor", une boisson gazéifiée au jus de fruits. Egalement des Ets J. Audibert & Cie, "Alaris", eau des sources de la Couagne, gazéifiée au gaz naturel, "toute la fraicheur des hauteurs alpestres, la plus agréable des eaux de table", "cette eau se distingue par sa grande pureté, ses qualités digestives et rafraichissantes. Ne décompose pas les boissons" ...

Les concurrents.

La Brasserie Alpine a été concurrencée par la société LA SOUDANE de Monsieur ASTIER qui distribuait les produits PHENIX (brasserie à MARSEILLE).

La bière arrivait en fut et une chaîne d'embouteillage située dans un local Place du Gravier la conditionnait en canettes.

LA SOUDANE a fermé en 1940-1941.

Le personnel.

Le personnel de la Brasserie.

L'activité de la Brasserie était très saisonnière.

Il y avait 5 personnes à l'embouteillage, une personne au brassage (l'aide brasseur) et un maître brasseur (Monsieur Jean AUDIBERT).

2 personnes à la cave (1 responsable et une personne chargée du lavage des tanks).

L'été, l'effectif était renforcé par 4 ou 6 algériens selon l'activité durant les mois de juillet et d'août.

Jean BELMONDO était l'homme de confiance à la Brasserie Alpine.

L'organisation de la production.

La production était assurée dans deux bâtiments :

La partie chaude et l'embouteillage dans le bâtiment à côté du lycée,

La partie froide (salle de brassage et cave) à l'emplacement actuel du centre de dialyse et du cabinet du docteur CORDIER.

Des canalisations souterraines reliaient les deux bâtiments.

Deux forages à 12 mètres de profondeur assuraient la production en eau de la brasserie.

La bière était pasteurisée dans un local où on mettait 100 bouteilles dans un chariot qui passait à la vapeur à 100°. On refroidissait puis on mettait les étiquettes avec les 3 étiqueteuses.

Pour filtrer la bière on passait le jus en pression dans des toiles de jute, il y en avait plusieurs.

Le résidu n'était pas jeté, c'était les agriculteurs qui venaient le chercher avec le tombereau et le cheval.

Les fûts en bois étaient fabriqués par le charron Ange qui habitait à côté. Les fûts en bois devaient être goudronnés. Il fallait faire fondre des plaques de goudron qui étaient ensuite projetées par pression dans le fût fermé.

La fin de la Brasserie Alpine.

Le regroupement des brasseries en France commencé par la brasserie CHAMPIGNEULLE qui reprend LES BRASSERIES DE LA MEUSE a sonné le glas des brasseries locales.

Il y avait 2 chaînes de production à BARCELONNETTE qui débitaient 1.200 bouteilles à l'heure. L'investissement était trop lourd pour suivre cette évolution de regroupement (avant 80 % de la bière était vendue en bouteilles consignées et fûts en bois et non en canette métallique).

La Brasserie Alpine a fermé ses portes en 1957.

La faillite de deux clients importants à MARSEILLE, une dette fiscale à régler ont précipité la chute de l'entreprise.

INFORMATIONS DIVERSES

Il y a eu lieu, également une brasserie aux DAVIS (JAUSIERS). En 1887, dans le registre des propriétés bâties de la commune de Jausiers, il figure une brasserie. il s'agit d'une nouvelle construction appartenant à Jacques Fortoul du hameau des Peyrachons (nommé aujourd'hui les Davis Bas, la maison a été emportée par la crue de 1957). Mais en préfecture l'activité n'est inscrite qu'en 1896 sous le nom d'AUDIFFRED ; elle cessera en 1906, le propriétaire étant devenu en 1907 marchand de vin. L'eau provenait de la fontaine des Davis captée à 1500 m à Saint-Flavi.

Il y avait pendant la deuxième guerre un jour sans alcool et un jour avec alcool. Le malt était très contingenté (les allemands prenaient presque tout). Il était produit une bière à 2 % et même 1% d'alcool durant cette période. Les camions avaient été réquisitionnés en 1939, seuls restaient une camionnette Delahaye et une 5 Cv Peugeot (dite "Toutoune").

La bière était auparavant taxée selon le degré d'alcool. Une déclaration était faite la veille de chaque brassin, les fonctionnaires de la Régie (rue Jules Béraud) venaient faire un prélèvement.

La consommation de la bière était très saisonnière. La consommation de la bière était très faible en hiver.

La brasserie fabriquait également de la glace grâce à ses compresseurs frigorifiques. Elle était donnée aux bistrots dépourvus de système frigorifique qui travaillaient avec les brasseries. La brasserie avait besoin de glace car après l'ébullition, il faut refroidir le mout rapidement pour éviter la formation de bactéries. Le gaz carbonique produit en cours de fermentation était récupéré pour fabriquer des boissons gazeuses.

La brasserie donnait et vendait également l'eau de seltz. Les siphons étaient consignés. Une machine faisait le mélange d'eau et de gaz. mais c'était dangereux de remplir les siphons car ils pouvaient exploser.

La Brasserie Alpine faisait beaucoup de la publicité. Les célèbres plaques émaillées avec une "erreur" sur les premières plaques qui indiquaient "Pure malt et houblon".

UN INTERNAUTE DU NORD DE LA FRANCE NOUS A ECRIT

"Bonjour monsieur,

je suis tombé sur votre site en cherchant des renseignements, par curiosité, sur une bouteille de bière que je viens de trouver sur une épave au large de Dunkerque.

Cette épave est un torpilleur français coulé lors de l'opération Dynamo le 1er juin 1940. Dans cette épave on trouve diverses bouteilles aussi bien françaises que anglaises.

Je vous envoie en fichier joint les photos de cette bouteille.

C'est juste un email pour que vous sachiez que dans le nord la bière Alpine est ainsi connu maintenant.

Ci joint un lien si vous voulez en savoir plus sur ce bateau:

http://dkepaves.free.fr/html/foudroyant.htm

Cordialement.

Bruno."

Je vous conseille de visiter ce site d'archéologie sous-marine, il est remarquable.